12.
UC/b 033425-1n
«White Gallery» Enceinte publique / Espace
d'exposition infini / Concepteur et commanditaire : inconnus / Utilisateurs
libres non répertoriés / Ultracity / 1957.
La White
Gallery, créée en 1957 à Paris par le quatuor
composé d'Hector Melun, Robert Barlé, Roxana Azimi et
un inconnu, proposait un immense espace complexe, totalement vierge,
blanc, ouvert et silencieux.
Installé rue Bonaparte, ce véritable labyrinthe de pièces,
escaliers, corridors, couloirs, passages... déployait sur trois
niveaux de sous-sol et quatre étages ses volumes jamais figés,
toujours en construction (les parties en chantier étaient isolés
momentanément du reste des lieux par de savants et délicats
systèmes de panneaux coulissants). Le succès fut immédiat
: artistes neurasthéniques, poètes dépressifs,
écrivains ratés, mais aussi promeneurs solitaires, amants
concentrés, étudiants dés&brkbar;uvrés,
chômeurs soucieux, entrepreneurs douteux, ou fugitifs fugitifs
venaient s'y perdre, s'y rencontrer, s'y réfugier...
La "White"
dut subir dès 1962 les violentes attaques du milieu de l'art
de l'époque, impuissant à lutter contre la radicalité
de sa position, tant esthétique que politique. La Guilde des
galeries s'associa alors à Ultratech worldwide, la mystérieuse
et puissante multinationale de l'interface domotique. Les deux entités
usèrent de leurs respectives (et très officieuses) connexions
avec le Ministère de l'Intérieur pour réclamer
la fermeture cet espace dédié au vide blanc, fermeture
qu'ils obtinrent en un temps record de huit mois, appel en justice
compris.
Les responsables de la White Gallery décidèrent alors,
en décembre 1963, de se réfugier sur Ultracity pour
y installer leur entreprise "illégale". Depuis cette date et
sous la férule marmoréenne de Paul de Poncheville, président
à vie de La Guilde des Galerie, il fut déposé
un droit d'exclusivité et d'autorité sur le "blanc pur"
dans les lieux et interfaces d'exposition, désigné de
plus pour les espaces adhérents comme seul et unique support
autorisé. Les utilisateurs du"blanc pur" se voyaient désormais
tenus de se plier à la règle de Ryman, à savoir
qu'un espace d'exposition doit être occupé d'une matière
artistique représentant 25 centmillième au moins de
la surface exposée, le reste de la surface étant recouvert
du fameux "blanc pur", éventuellement mélangé,
jusqu'à 0,6% au maximum.
Le transfert
de la White Gallery sur Ultracity renforça bien sûr son
pouvoir attractif et sa légende : les temps d'immersion dans
ses espaces variables, à l'architecture complètement
modifiée pour le virtuel (et ainsi considérablement
agrandie), rencontrèrent une affluence telle que l'espace global
de la galerie s'est multiplié jusqu'à atteindre la taille
actuelle de n3~! Certains week-end, le taux d'affluence dépasse
les 130 000 connexions étendues. Espace infini et toujours
silencieux, la White Gallery développe une alternative aux
espaces numériques ultra-saturés et offre la possibilité
de fixer son temps d'immersion en toute liberté, sans courir
le moindre risque d'être dérangé par quiconque
ou même sollicité par une sonde-appel inopportune.
L'étrangeté de son blanc numérique, codé
secrètement dès octobre 63 grâce aux talents exceptionnels
de l'ingénieur chimiste Étienne Blanquin, demeure une
énigme pour les neuros-coloristes, réduits à
émettre de vagues suppositions. Ainsi, le taux de blanc "visible"
serait inférieur d'au moins 2,8 % au possibilités actuelles
de réceptivité standard. Le blanc "invisible", quant
à lui, dépasserait les seuils d'acceptabilité
des écrans-mappés d'au moins 125 %! En 2068, à
la mort des fondateurs de la Galerie, un appel d'offre interne à
Ultracity fut lancé selon leurs dernières volontés,
visant la reprise du lieux et la constitution d'un Directoire de sauvegarde
de la charte architecturale de la White Gallery. Le résultat
de cet appel ne fut jamais divulgué clairement, mais l'enceinte
de la Galerie reste active encore aujourd'hui, et certains milieux
autorisés laissent à penser que le Syndicat Libre d'Ultracity
lui même s'en serait rendu maître.